CARE
COMPTABILITÉ ADAPTÉE AU RENOUVELLEMENT DE L’environnement
Le cycle de vie CARE
Le modèle comptable CARE, principes, enjeux et stratégies.
Aujourd’hui et plus que jamais, les problématiques Environnementales, Sociétales et Solidaires (ESS) sont au cœur des préoccupations du public, des investisseurs et ont une valeur particulière pour la génération montante des « millénials » qui deviendront les interlocuteurs et vos professionnels de demain.
De plus, l’augmentation de la fréquence et de l’ampleur des dérèglements climatiques ou des changements de paradigmes sociétaux (révolutions, printemps arabes, changements de modèles de vie, monde d’après COVID) font aujourd’hui peser un risque sur l’économie qui est estimé 12 fois supérieur aux risques liés à la crise des Subprimes de 20081.
Devant ces constats, de nombreuses initiatives hétérogènes et/ou académiques ont été mises en place par différents acteurs à tous les niveaux de la société civile :
- ONU : Objectifs de Développement Durable (ODD) ;
- Législateurs nationaux : Loi Grenelle 2, PACTE, RSE, convention citoyenne et ses conclusions, Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) ;
- Entreprises : initiatives RSE certifiantes, évolution des Reportings Extra-Financiers ;
- Acteurs professionnels et Associations de citoyens engagés (cabinet Compta-Durable, Institut National de l’économie Circulaire, collectif Fermes d’Avenir…).
Si toutes ces actions ont un objectif commun qui tend, à différents niveaux, à atteindre la soutenabilité écologique et sociale, elles manquent de la lisibilité d’ensemble qui objectiverait les efforts déployés par les entreprises et les bénéfices pour l’ensemble de la collectivité.
L’Europe est actuellement à la pointe du mouvement sur ces sujets. Les initiatives se concentrent actuellement sur la constitution d’un socle commun de normes et de référentiels partagés afin d’assurer une information comparable, utile et de qualité : le DPEF : Déclaration de Performances Extra Financières.
Un débat de fond sur la normalisation comptable a lieu entre les acteurs de la place afin de valider la pertinence ou non d’appliquer cette approche. Dans cet esprit, cet article vise à décrire l’une de ces initiatives, son apport et la manière dont elle pourrait être implémentée en pratique.
La proposition de norme CARE
En se basant sur ces constats, la proposition d’une nouvelle norme Comptable Adapté au Renouvellement de l’Environnement (CARE) a été développée. Elle s’inscrit dans un courant plus global de tentative de normalisation du socle sur lequel sont bâtis les Reporting Extra-Financiers.
La comptabilité, telle que pratiquée actuellement, vise à objectiver le capital financier mis à disposition de l’entreprise par ses actionnaires et créanciers afin que l’entreprise réalise des profits en assurant la non-dégradation de ce capital. Le principe de CARE vise à étendre ce mécanisme aux capitaux environnementaux et humains utilisés par l’entreprise pour générer de la valeur. En monétisant ces capitaux, à inscrire au Passif selon la méthode du coût historique, en mesurant leur seuil de conservation, et en pilotant la dette générée par leur utilisation et en inscrivant des amortissements, cette norme sera en mesure d’introduire de la comparabilité entre toutes les entreprises ce qui permettra de redéfinir, de manière normée, la notion de profit. Celui-ci deviendrait ainsi plus respectueux de l’environnement et des sociétés grâce au suivi de l’impact sur ces 3 capitaux.
Cette norme s’appuierait donc sur 3 éléments essentiels :
- Input : Un référentiel normé de données sociétales et environnementales à définir en se basant sur les travaux menés actuellement autour du DPEF.
- Output : L’alimentation des DPEF existants à partir de cette triple comptabilité.
- Norme : Une taxonomie unique, en un mot, un plan de comptes commun, sous tendu par des principes comptables partagés basés sur la norme Française.
Les 10 hypothèses de la norme
Dans notre précédente publication sur le sujet, Finance Durable & Enjeux Climatiques, nous avons décrit les 10 hypothèses et les 2 mécanismes sur lesquelles une telle norme pourrait être bâtie :
- Les Hypothèses issues de la Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE) des entreprises, des fondamentaux de la comptabilité et des travaux sur la norme CARE
- Le concept d’Externalité
- La triple Dépréciation Line
Cette approche théorique nous permet maintenant d’envisager les 5 étapes du cycle de vie d’une comptabilité en norme CARE.
Le cycle de vie de la CARE :
Le cycle de vie de la CARE
Il est nécessaire, avant de passer la première écriture comptable, d’effectuer un certain nombre de travaux. L’effort sera bien sûr plus important lors de la First Time Application, mais les mécanismes décrits dans cette tribune seront les fondations de votre future comptabilité CARE.
Un cycle de vie en 5 étapes :
À l’instar d’IFRS9, ou IFRS16, la norme CARE implique l’identification, la collecte et un calcul permettant la comptabilisation et au reporting des Capitaux Naturels et Humains utilisés par l’entreprise.
Nous nous attacherons d’abord à décrire ces 5 étapes en les mettant en perspectives avec les éléments déjà présents dans l’organisation d’un Banque / Assurance.

Norme CARE
Définition
Difficulté 2
Cette étape vise à figer les principes, méthodes et plans comptables afférents à la norme. Ce travail n’est actuellement pas achevé.
La participation de vos experts sur le sujet permettra :
- L’accélération de ces travaux,
- L’assurance que les choix effectués iront dans le sens de principes pragmatiques afin d’éviter une norme trop complexe, inadaptée au monde de la finance et respectueuse des autres obligations réglementaires (écart de norme, fiscalité, Risques…).
1. Identifier Capitaux et Seuils
Les capitaux (1.1 et 1.2)
Difficulté 5
Probablement la partie la plus complexe de l’implémentation de cette norme, car elle va nécessiter la revue complète des externalités de la banque. Heureusement, il est possible de s’appuyer sur 2 éléments existants :
- Les travaux sur le DPEF qui explicitent la partie Capitaux ;
- Les comités des Risques.
En effet, actuellement des risques sont identifiés selon le paradigme : un risque devenant avéré créera une externalité négative, tandis qu’un risque maîtrisé générera une externalité positive qui n’est pas actuellement comptabilisée directement.
Chaque risque identifie donc un capital dont l’altération provoquera la diminution d’une ressource nécessaire et indispensable au fonctionnement de l’entreprise, donc à la génération de profits.
- Les PCA (plans de continuité d’activité), process de résolutions, plans de contingences qui identifient pareillement les capitaux à sécuriser et les moyens de le faire à plus ou moins long terme. Ces éléments peuvent être regroupés dans un Bilan matières et sociaux (voir Jacques Richard sur le sujet). Ils constitueront la carte de votre territoire.
Ces éléments peuvent être regroupés dans un Bilan matières et sociaux (voir Jacques Richard sur le sujet). Ils constitueront la carte de votre territoire.
Les seuils (1.3 et 1.4)
Difficulté 3
L’évaluation des seuils ne peut se faire sans partie prenante. En effet, il n’est pas du domaine de compétence de l’entreprise d’évaluer précisément à partir de quand un capital n’est plus conservé. La liste des potentiels interlocuteurs est proposée dans
l’Hypothèse H9.2
2. Mesurer le niveau de conservation des capitaux
C’est dans cette phase que vont être appréciées les ressources générées par les capitaux utilisés par l’entreprise.
2.1 Aritecture de collecte
Difficulté 4
C’est dans cette phase que vont être appréciées les ressources générées par les capitaux utilisés par l’entreprise.
À l’image des ISR, un nouveau jeu de données et de référentiels va devoir être intégré dans le
SI de l’entreprise. Pour ce faire, vous pouvez vous appuyer sur :
• Les travaux du DPEF
• Les travaux IFRS 9 (scope survey et risque de crédit)
• Les travaux ISR : les données collectées pour la qualification ISR sont rattachées à l’un des capitaux que vous avez identifiés.
Les modus operandi de collecte ne devraient pas être différents.
• Les travaux IFRS 16 ; pour toute la partie Capital Naturel ayant trait aux Buildings, véhicules, data centers, la revue des différents contrats de prestation (hors scope IFRS 16).
• Les travaux IAS 38 (Intangible Assets) si vous en avez menés, devraient vous donner une vision claire des Capitaux utilisés par vos développements applicatifs.
2.2 Validation des montants & 2.3 Comparaison avec les seuils
Difficulté 3
Pour ces deux éléments, il convient, comme pour la définition des seuils, de faire appel aux parties prenantes afin que la mesure soit :
• Partagée avec tous,
• Cohérentes avec les autres entreprises,
• Validées pour la FTA et lors des cycles comptables suivants :
De même, les méthodes de comparaison avec les seuils doivent suivre le même process. Il pourrait être imaginé, lors de cette phase, de déterminer des practical expedients :
• Valeur sous laquelle le capital / seuil ne devrait pas être considéré,
• Granularité de la valorisation (portefeuille identique en destination / maturité ou valorisation détaillée),
• Méthodes de valorisation : Standard (utilisant des abaques2) ou Internal Rate Based : utilisant une méthodologie interne.
3 Optimiser la transition écologique
Identifier les investissements / coût nécessaires à la conservation des Capitaux Humains et Naturels utilisés.
3.1 Élaborer des scénarios permettant de respecter ces seuils et les arbitrer
Difficulté 4
Selon un jeu de scénarios définis par HCN et Maturité par exemple, un calcul pourrait être effectué pour déterminer l’écriture d’investissement de conservation. À l’image d’IFRS 9, les scénarios pourraient être définis comme favorables, médians, adverses, et calculés en interne.
Une autre approche pourrait être de disposer d’un calculateur central, hors entreprise, qui calculerait ce montant, en utilisant des référentiels appropriés et locaux à la zone géographiques. Les entreprises auraient alors à consommer ce scalar en le corrélant avec les Ressources déclarées sur le Capital correspondant.
Arbitrer
Selon la méthode de calcul choisie (interne, externe) une pondération pourrait être associée et révisée à l’aulne des externalités avérées dans la période (à définir) et des prévisions scientifiques sur la durée restant à courir de la ressource utilisée par l’entreprise.
Une gouvernance de type Comité des Risques devrait être mise en place, incluant les parties prenantes faisant référence sur le sujet.
3.2 Créer un fond de renouvellement
Difficulté 4
L’intérêt principal de cette comptabilisation des fonds de renouvellement (mobilisation de fonds propres) dans les états financiers de l’entreprise est de lier la solvabilité de cette dernière à l’ensemble de ses capitaux financiers, naturels et humains. Cette comptabilité dite intégrée pourrait ainsi contraindre l’entreprise à s’inscrire plus durablement dans son écosystème.
4 Valoriser la performance globale
A cette étape, tous choix, les efforts et les actions précédentes deviennent visibles, auditables et suivies dans le temps.
4.1 Intégration comptable
Difficulté 2
Mettre en place les SI, flux, ledgers et contrôles afférents à la comptabilisation des éléments identifiés en Hypothèse : La ressource, son emploi, l’amortissement programmé et l’écriture de renouvellement / conservation de ce fond.
Si par essence, ce process peut être très proche des IFRS implémentés récemment, il convient cependant d’étudier les impacts SI de la mise en place d’un ledger / plan de compte étanche, ainsi que des écritures d’écart de norme (renouvellement, création de valeur) qui vont être générées.
4.2 First Tile Application
Difficulté 4
Un effort particulier doit être mis en place pour la reprise d’historique et la détermination des ressources / maturité / amortissement de l’existant. Cet effort sera moindre dans le cadre de la mise en place d’une nouvelle ressource (utilisation d’une nouvelle technologie d’électricité, identification d’un nouveau type de ressource Humaine).
Pour adresser ce point, 2 méthodes éprouvées pourraient être utilisées :
• Sur l’existant identifié à l’étape 1 : Le scope survey selon le process IFRS9
• Sur les nouvelles ressources : l’utilisation d’une Due Dilligence / fiche de création qui serait circularisée selon les process actuellement existants dans le cadre de la création d’un nouveau produit.
4.3 Publication DPEF
Difficulté 2
Ce process est normalement déjà existant dans l’entreprise. La partie collecte n’est peut-être pas encore aboutie ou bénéficie de scénarios tactiques, mais la partie publication devrait être en place. Il peut être intéressant de s’insérer dans le dispositif, en effectuant par exemple un arrimage aux données déjà publiées et en expliquant la marche inévitable qui apparaîtra avec la précédente publication antérieure à l’implémentation de CARE. Le process d’écart de méthode utilisé dans ce genre de cas semble tout à fait indiqué. La contribution de vos CAC ou autres autorités de tutelles peut vous aider à expliciter ces écarts d’une manière compréhensible pour vos shareholders.
4.4 Audit et traçabilité
Difficulté 4
C’est le « nerf de la guerre » pour que vos parties prenantes aient confiance dans les DPEF publiés et que vos fournisseurs / clients puissent consolider les éléments que vous leurs partagez. Une démarche BCBS 239 devra être entreprise sur le lignage de vos données. Une revue périodique de celles-ci devra être possible pour les CAC et les autorités de tutelle ainsi que pour les parties-prenantes afin d’assurer la consistance de celles-ci avec les autres entreprises du secteur ainsi que la permanence de vos méthodes. Vous pouvez capitaliser sur les process, les bons réflexes et les choix d’architecture intelligents qui sont déjà en place.
FOCUS : TIMELINE DPEF
Les entités dans le scope du DPEF ont dû publier leurs premiers reportings pour la clôture 2017 en 2018. Les résultats de la consultation 2020 de la Communauté Européenne seront applicables à partir du 10 Mars 2021 dans le cadre de la Disclosure Regulation. En revanche, la Taxonomy Regulation n’a pas encore été adoptée par le Parlement européen est n’est donc pas encore obligatoire.
CONCLUSION
L’implémentation de la norme CARE est, par essence, peu différente des normes qui viennent d’être déployées. De nombreuses briques sont déjà présentes dans vos organisations, il convient de les assembler en utilisant un prisme extra-financier et Durable. Les process de calcul, la collecte et l’audit des données ainsi que la comptabilisation sont connus de vos experts maison ou des consultants que vous pourriez impliquer sur le projet.
La différence principale se situe dans les acteurs que vous allez devoir mobiliser, à l’extérieur de vos organisations. Les parties-prenantes sont dorénavant indispensables à la réalisation de certaines étapes. Leur multiplicité risque de d’être un défi… à moins que les bonnes ressources internes, éventuellement assistées par des spécialistes externes, ne soient en charge de la relation.
Chez Harwell Management, nous pensons qu’il est nécessaire de commencer à accompagner nos clients Banques et Assurances sur ce sujet afin qu’ils soient au centre de ce changement.
Nos experts s’investissent actuellement pour préparer cette transformation :
Au moyen de travaux théoriques à l’image de cette tribune,En participant aux groupes de réflexion de la place, par exemple, au sein de l’Académie des
Sciences et Techniques Comptables et Financières, au groupe de travail de définition d’un outil pratique pour mesurer la performance globale des ESG à partir du SI comptable au sein des Petites et Moyennes Organisations,En échangeant avec les directions du développement durable ou les directions financières des entreprises, lors de présentations exclusives, mettant en perspectives nos travaux et les problématiques actuellement rencontrées.