BREXIT

Les conséquences du Brexit pour les établissements financiers implantés au RU

Avec le Brexit, la perte des privilèges liés au passeport européen.

Sans présager de l’issue des négociations avec l’Union Européenne et de la capacité des britanniques à obtenir un régime d’équivalence, les établissements financiers implantés au Royaume-Uni pourront perdre le “passeport européen” leur permettant aujourd’hui de vendre leurs services dans toute l’Union européenne. Pour conserver un accès au marché unique, les banques britanniques qui n’auraient que des succursales sur le continent pourraient devoir envisager une transformation d’au-moins l’une de celles-ci en filiale.

La transformation en filiale et l’obtention (ou l’extension) des agréments ne comportent pas d’obstacles insurmontables en soi pour un établissement qui a déjà une existence éprouvée au sein de l’Union. D’ailleurs, les régulateurs ont fait savoir qu’ils instruiraient dans des délais raccourcis les demandes qui seraient déposées dans le cadre du Brexit et, dans la plupart des cas, les structures juridiques existent déjà.

Il n’en reste pas moins que les impacts du Brexit seront vraisemblablement particulièrement importants sur les activités de prestation de service d’investissement pour compte de tiers, les chambres de compensation et les dépositaires, les fonds d’investissements, ainsi que sur les activités impliquant un démarchage commercial, par exemple en matière de placement.

La BCE pourrait imposer (comme elle l’a déjà tenté lors de la crise financière) que les chambres de compensation soient localisées sur le territoire de l’Union, ceci dans l’optique d’une plus grande facilité politique et réglementaire à contenir les impacts en cas de crise systémique. Les directives MiFID et UCITS (qui participent de l’accompagnement et de l’organisation de la libre circulation des capitaux) imposent des règles d’information et de commercialisation strictes visant à la protection des investisseurs qui post Brexit ne pourront plus être mises en œuvre depuis le territoire britannique. Rappelons qu’au moment de l’élaboration de ces directives, certains acteurs de la City avaient pu faire part d’une vision beaucoup plus libérale que celle qui a finalement été retenue dans les textes.

La relocalisation de certaines activités dans les pays de l’Union.

La plupart des établissements étrangers, comme les banques américaines, ont eu pour politique de concentrer leurs activités à Londres et rationaliser leurs implantations sur le continent. Le Brexit pourrait pousser au mouvement inverse, avec un transfert sur le continent de certains centres opérationnels. D’après Les Echos, « les banques avec leur siège européen à Londres seraient contraintes de délocaliser des milliers de salariés dans des bureaux dans l’UE. Dans un document remis au gendarme boursier américain, Goldman Sachs le sous-entendait à demi-mot. L’établissement avertissait que le Brexit « pourrait avoir un impact défavorable sur [sa] manière d’opérer dans l’Union européenne et pourrait mener à une restructuration de certaines opérations ». [1]

Mais ces mouvements de relocalisations, s’ils peuvent constituer une bonne nouvelle pour l’emploi sur le continent, ne suffiront pas à eux seuls à significativement améliorer les chiffres du chômage. Selon l’issue des négociations en cours dans le cadre de l’article 50, ces transferts pourraient concerner dans un scenario maximaliste jusqu’à 35 000 emplois directs. Ce chiffre est à rapprocher des 20 millions de chômeurs en Europe et aux emplois du secteur financier (1 600 000 emplois directs en France, Allemagne, Italie et Espagne – source Fédération Bancaire Européenne).

En outre, toutes les places financières ne seront pas gagnantes, notamment en raison de la complexité du droit du travail qui s’applique dans certaines juridictions. JP Morgan Chase, la première banque américaine par les actifs, a fait son choix pour la relocalisation d’une partie de ses équipes. Paris n’en fait pas partie : ce sera Dublin, Francfort et Luxembourg. HSBC quant à elle a officialisé le transfert de 1000 emplois en France en début d’année sur les activités de banque d’investissement.  La banque qui emploie près de 9.500 salariés en France a précisé que l’activité déplacée concernerait environ 20% des revenus de sa banque d’investissement basée au Royaume-Uni.

Le cas particulier du Brexit du point de vue du modèle Suisse 

Avec le Brexit, un nombre important d’accords peut être remis en cause, trafic aérien, libre circulation des personnes, collaboration dans le domaine scientifique, fiscalité, sécurité et lutte contre le terrorisme, échanges de biens, agriculture…Dans ce cadre, la Suisse peut service d’exemple de part ses relations économiques exceptionnelles qu’elle entretient avec l’Union.

Plusieurs options en effet s’ouvrent au Royaume-Uni dans sa politique extérieure avec l’Union européenne : le modèle norvégien et donc le modèle suisse.

On peut imaginer en effet une transposition du modèle norvégien (membre de l’association européenne de libre échange et de l’Espace Economique européen) avec libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes, il y aurait une sorte de continuité de principe à ce niveau…le Royaume-Uni aurait tout comme la Norvège un droit de consultation en ce qui concerne la préparation des futures directives et un statut de quasi-membre de l’UE.

Venons en au modèle Suisse ! La Suisse est également membre de l’Association Européenne de Libre Echange avec l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège mais pas de l’espace économique européen, c’est la principale différence avec le modèle norvégien. En Suisse, les directives économiques et règlementaires européennes sont transposées en législation nationale, cela permet à la Suisse de poursuivre ses relations économiques dans le cadre du marché unique mais la Suisse ne peut pas se prononcer sur le contenu et les décisions du conseil de l’UE. Au-delà de cela, la Suisse signe des accords bilatéraux avec l’UE puisqu’elle n’est pas membre de l’Espace Economique Européen.

Enfin la dernière voix possible est celle finalement d’un modèle indépendant : La il faudrait ratifier des accords bilatéraux avec l’ensemble des pays de l’Union européenne.

Les conséquences en matière de gestion de projet

La mise en œuvre du Brexit emporte des questions stratégiques, organisationnelles, informatiques et réglementaires complexes à anticiper, puis à gérer en phase projet, pour les établissements localisés sur le territoire britannique.

Les projets de filialisation menés dans le cadre du Brexit reposent en premier lieu sur une étude préliminaire destinée à identifier les pans d’activités de l’établissement à recentraliser dans l’Union. Les business plans prennent également en compte les contraintes et attentes liées aux revenus, à la gestion de la charge en capital et à l’application des règles prudentielles. En parallèle, l’environnement lié à la langue, au droit social et à la fiscalité, ainsi que la qualité du bassin d’emploi, apparaissent comme des éléments clefs – sinon largement commentés voire revendiqués par les dirigeants – de la décision.

Sur un plan très opérationnel, certaines activités de gestion des paiements en euro seront déplacées dans la zone économique européenne. Les produits ou activités complexes ou coûteuses à gérer, par exemple au regard de MiFID2, doivent également être analysés. Classification des clients, catégorisation des produits, revue de la documentation, organisation, production et contrôle des reportings vers les régulateurs sont autant d’aspects à traiter dans le cadre d’un transfert d’activité. Il s’agit d’être en pleine conformité avec l’environnement du pays hôte, tout en maîtrisant les coûts et les risques liés à la phase projet.

La phase de post-projet concerne principalement la formation, le support et l’évaluation. Les établissements doivent anticiper sur une stratégie de transformation des processus et de partage de la connaissance visant à optimiser l’efficacité des collaborateurs impliqués dans un environnement nouveau.

Contacts & contributeurs :

Vincent Guérin, Directeur Conformité et contrôles d’Harwell Management
Pascal de Lima, Chef économiste d’Harwell Management
Richard Eland, Partner, Harwell Management UK
Fabrice Jumel, Partner CIB France et directeur Benelux d’Harwell Management

[1]https://www.lesechos.fr/18/01/2017/lesechos.fr/0211703941616_brexit—comprendre-le–passeport-financier–en-cinq-questions.htm

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