Taux d’Intérêts

Les concepts « Baisse des taux d’intérêts », « Taux en territoire négatif » sont aujourd’hui au cœur de l’actualité financière de 2016. Que faut-il en comprendre ? Qu’implique cette politique économique et comment se répercute-t-elle sur les différents acteurs économiques ?

 « Big picture »

Dans chaque pays, les banques centrales définissent leurs taux dits « directeurs », qui est le prix du loyer de l’argent, fortement influencées par la FED et la BCE. Ce taux, qui reflète le taux auquel les banques se refinancent auprès de l’institution, connait une forte baisse depuis la crise financière de 2008. Cette baisse du taux se répercute sur une grande partie des autres taux du marché, les taux d’intérêts, le taux interbancaire (Euribor), etc.  Or l’Euribor est négatif depuis plusieurs mois maintenant, avoisinant les -0,250% (à trois mois). Aujourd’hui, les banques se financent déjà à niveau 0 auprès de la BCE.

La politique volontariste actuellement en place, via cette baisse des taux directeurs, vise à maintenir la dette des états et le niveau des intérêts de remboursement. Cette politique de taux bas a permis le passage de la dette des états de l’UE de 86,8% du PIB en 2014 à 85,2% dans l’UE en 2015.

Par ailleurs, cette politique de taux bas permet également de soutenir la consommation et l’investissement, notamment via des taux de crédit historiquement bas, et par conséquent de favoriser un renouveau de croissance.

Leviers : Quantitative Easing et TLTRO

Pour faire face à la crise financière et économique post 2008, certaines banques centrales ont mis en en place une mécanique de création de liquidité, connue sous le nom de Quantitative easing.

La mécanique relativement simple est la suivante (exemple avec la BCE) :

  • La BCE achète des dettes souveraines aux établissements de crédits et institutionnels,
  • L’afflux de liquidités chez les institutions financières permet à celle-ci de se refinancer et de prêter plus d’argent aux particuliers et aux entreprises en pratiquant des taux attractifs,
  • Logiquement, la BCE devrait alors céder les dettes souveraines acquises ou attendre la maturité de celles-ci mais ce n’est pas toujours le cas.

Concrètement, à travers ces TLTRO , et notamment via la seconde édition du prêt géant à des conditions très avantageuses (TLTRO II), la BCE a notamment accordé plus de 45 milliards d’euros aux banques, en raison de la forte demande.

La redistribution de ces liquidités aux marchés des particuliers et entreprises n’est pas toujours constatée.

Conséquences

  • Global / Marché 

L’augmentation des liquidités, l’incitation à la consommation et l’augmentation contenue des dettes souveraines sont les effets « premiers plans » de cette politique volontariste.

Cependant, si l’on observe bien, au second plan, survient un effet de bord important qui devrait interpeller les acteurs économiques. Le système devient un système inversé. Aujourd’hui, placer ses excédents de trésorerie représente un coût, ce qui relève d’un nouveau paradigme. Par exemple, pour un montant important investit dans de la dette, le préteur devra prendre en considération le coût du risque « 0 ».

Par conséquent, ce nouveau paradigme provoque un dérèglement du fonctionnement du calcul de risque car les modèles utilisés ne prévoient pas de taux inférieurs à zéro.

  • Les clients

Les clients, particuliers et / ou entreprises, sont aujourd’hui en capacité forte à renégocier les taux d’intérêts auprès des institutions financières. Compte tenu de la transparence des informations accessible à tous, la fidélisation des clients passe par une qualité de service irréprochable, un catalogue de prix et une politique de taux concurrentiels.

De ce fait, les établissements bancaires sont dans une optique d’innovation croissante pour proposer une variété de services aux clients et diversifier les sources de revenus possibles (par différents types de commissions, car la consommation de fonds propres est limitée).

De plus, certains particuliers peuvent être amenés à ne pas automatiquement placer leurs épargnes à la banque (ex. Japon, Suisse), car la crainte d’une répercussion des taux d’intérêts négatifs du marché sur les taux de rendement des comptes courant ou d’épargne est réelle. Ce risque de « sur épargne sans rendement » est aussi à considérer.

  • Institutions financières

De l’autre côté, les établissements bancaires, et en particuliers les instituts de prévoyance (assurances-vie et mutuelles), voient leurs marges baisser.

En effet, la collecte réalisée et placée en majorité sur des placements sans risque génère peu de profits compte tenu des taux inférieurs à 0.

Dans la catégorie des Asset Managers, cette diminution des revenus est notamment liée aux faibles revenus des placements sans risque.

Compte tenu de ce contexte, les institutionnels peuvent être tentés d’accroître les placements risqués pour compenser cette politique des taux bas subie. La problématique de la révision de l’architecture des portefeuilles commence en effet à se poser chez certains institutionnels de la place.

Enfin, du fait des revenus plus faibles, les établissements de crédits se concentrent davantage sur la politique de réduction des coûts passant par de grands projets de rationalisation et / ou mutualisation, et une politique de recrutement mesurée.

La transformation Digitale qui s’opère actuellement au sein des banques fait partie du tournant à prendre pour le XXI’ siècle, mais permet également de réduire les coûts (réduction du maillage des agences bancaires par ex.)

« Open question »

Cette politique « facilitatrice » n’est pas sans risque. Ces mesures ne peuvent à terme pas garantir ni soutenir une croissance économique. Comment revenir à des taux normaux et au système « précédent » ?

La réponse à cette question est complexe dans la mesure où les politiques monétaires sont influencées par l’évolution économique normale et par l’intervention des Etats dans les crises.

Les pistes « classiques » de sortie seraient une croissance potentielle, une augmentation de l’inflation, augmentation du déficit budgétaire, ou au pis une déflation.

Si la politique des Banques Centrales change (trop) rapidement, et que le niveau du taux directeur est relevé, les banques pourraient être prises entre deux problématiques : des ressources onéreuses et un portefeuille de crédits peu rentables. Il faudrait préparer une hausse progressive des taux, sans trop de volatilité.

La sortie « vertueuse », avec une normalisation progressive des politiques monétaires et réduction de l’endettement est une option, mais assez peu probable.

Une autre piste pourrait être d’aborder à plus ou moins long terme la restructuration des dettes publiques et le retour de l’inflation.

Ensemble des emprunts contractés par l’État

Targeted Long-Term Refinancing Operations : Taux spéciaux pour les banques, quasiment négatif.

 

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