L’offre Patrimoniale

Comment l’offre en gestion patrimoniale des banques de détail doit s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation de sa clientèle premium ?

Agissant majoritairement au sein de groupes bancaires universels, les banques de détail ont toujours cherché à adresser l’ensemble des besoins de la clientèle. En particulier la clientèle patrimoniale, dénommée « premium », « haut de gamme » ou « aisée » selon les enseignes, mais qui reste sous le seuil d’entrée de la Banque Privée. L’offre patrimoniale est longtemps restée la même, c’est-à-dire alignée sur les besoins des baby-boomers, et ce pour une bonne raison : ces générations représentent encore aujourd’hui la composante principale de leur clientèle patrimoniale (cette clientèle a 60 ans d’âge moyen en France selon le dernier baromètre Cardif du marché des CGPI). Une clientèle plutôt âgée, peu mobile, habituée aux mêmes gammes de produits, à une gestion en « bon père de famille » de son portefeuille financier, attachée à conserver le même type de relation avec son conseiller.

Une distinction nécessaire de l’offre patrimoniale

Certaines banques adoptent ainsi une démarche de segmentation affinée de leur clientèle pour ajuster les produits proposés aux différentes catégories. Cette approche amène évidemment ces enseignes à se focaliser sur leurs clients les plus rémunérateurs. De fait, la clientèle patrimoniale devient encore plus stratégique pour leur développement : un PNB élevé (au moins trois fois supérieur à celui de la clientèle classique de la banque de détail) associé à un fort potentiel d’évolution des revenus mais aussi à une double relation privée/professionnel avec la gestion du patrimoine privé des entrepreneurs par exemple. S’y ajoutent même les clients qui ont été écartés des Banques privées (celles-ci s’étant aussi recentrées sur leurs clients les plus haut de gamme, elles industrialisent l’offre et développent la banque à distance pour les plus petits patrimoines).

L’offre patrimoniale des banques de détail qui s’inscrivent dans cette démarche doit en conséquence évoluer pour répondre à ces nouveaux enjeux :

  • Savoir identifier et séduire en amont les futurs clients patrimoniaux.
  • Savoir adresser et anticiper les besoins des clients tout au long de leur vie.
  • Offrir les mêmes services quel que soit le canal.
  • Développer le phygital et l’autonomisation de la clientèle
  • Disposer de conseillers encore plus spécialisés.
  • Entrer dans une logique d’amélioration continue pour engager voire même anticiper les évolutions nécessaires pour aligner les services de production et la force commerciale aux nouveaux produits et services.

La segmentation par niveau de patrimoine n’est plus suffisante

Si la majorité des établissements s’appuient sur une première segmentation en fonction du niveau du patrimoine pour différencier leur offre entre le retail, la gestion patrimoniale (généralement proposée aux patrimoines > 250 K€), la banque privée (> 1 M€) et la gestion de fortune (> 5M€), celle-ci n’est plus suffisante pour couvrir l’ensemble des besoins des clients. Nous précisons que la segmentation en fonction du patrimoine induit que chaque catégorie a les mêmes besoins et donc que l’offre proposée sera similaire dans chaque catégorie. Mais aujourd’hui ce principe ne suffit plus. Le client peut avoir des besoins plus proches d’une offre retail (peu ou pas de contact physique avec mon banquier, ensemble des opérations courantes à distance, sensibilité au prix) tout en ayant un patrimoine important (et dans ce cas ne pas se contenter d’une offre banque privée classique avec un mandat de gestion). Cette segmentation s’enrichit ainsi avec la distinction de la clientèle en fonction de l’âge et le cycle de vie.  L’âge doit être couplé à une approche centrée sur les besoins du client et ses attentes : souhaite-t-il être indépendant dans les opérations de gestion courantes, a-t-il besoin d’être assisté dans le choix des supports financiers ?

Ce qui est sûr : la tendance actuelle est à la personnalisation de l’offre au sein de chaque segment, allant du self-service plus ou moins développé à un choix de solutions standardisées ou sur mesure.

Une clientèle de millennials avec des besoins patrimoniaux qui lui sont propres

Hyperconnectée, très bien renseignée, sensible au prix et à la qualité de service, demandeuse de réactivité… la clientèle des millennials (nés entre 1980 et 2000) a des comportements et des besoins bien différents de la clientèle historique des produits patrimoniaux.

Un seul élément de comparaison est à retenir : la génération des millennials est encore plus importante que celle du baby-boom (ils sont 16 millions en France, et représenteront donc bientôt la moitié de la population active). Or elle ne représente aujourd’hui que 10% de la clientèle des banques privées, mais cette part est en augmentation constante. La proportion de futurs patrimoniaux appartenant à cette génération va donc progressivement prendre le pas sur celle de ses ainés, avec un niveau d’exigences supérieur.

Selon le dernier baromètre Docapost/Opinionway, 48% des jeunes CSP+ de 20 à 35 ans sont multi-équipés et 44% prêts à changer de banque. Les groupes bancaires doivent prendre en compte cette nouvelle réalité dans leur stratégie de renforcement des patrimoniaux :

  • Une expérience temps réel dans les services de base : souscription effective dans la journée par exemple (y compris l’ouverture de compte), service de change online 24h/24h, …
  • Un parcours omnicanal de bout en bout et entièrement digitalisé : c’est le client qui décide du canal et de la façon dont l’information doit être échangée
  • Capacité à conserver les habitudes transactionnelles, pour une fluidité accélérée
  • Capacité à accompagner à l’international avec des partenaires et outils numériques adaptés (les Millennials européens fortunés sont 43 % à s’être déjà expatriés et 20% comptent le faire selon une étude de OneLife Company)
  • Le développement et la sécurisation des échanges entre particuliers (CtoC)
  • Proposer sans cesse des innovations, pour de nouvelles expériences, avec une démarche de prototypage qui s’enrichit du retour des clients.

Si l’offre patrimoniale a mis du temps à s’aligner avec les besoins de cette clientèle, nous assistons en France à un véritable rattrapage digital de ces offres depuis 2/3 ans. Parmi les dernières nouveautés proposées par les établissements, les exemples suivants marquent une rupture importante avec l’idée que le client en banque privée ou patrimonial se contente de déléguer l’ensemble de la gestion de son patrimoine à son banquier privé ou CGP : automatisation totale du mandat de gestion de l’Assurance-Vie, offre de gestion conseil digitalisée, lancement future d’une offre banque privée 100% en ligne…

Au sein de ce mouvement, les groupes bancaires ont un net avantage net sur les établissements spécialisés car les solutions développées dans une entité peuvent être répliquées à moindre coût dans les autres entités du groupe. S’y ajoute de surcroit un effet prix car leur volume d’activité leur permet d’amortir plus rapidement ces coûteuses évolutions.

Attirer les investisseurs individuels, l’autre défi des banques

Les investisseurs individuels qui se caractérisent par une autonomie dans la gestion de leur portefeuille sont de plus en plus en nombreux (3 millions en France selon l’AMF en 2017). Ce segment reste aujourd’hui délibérément à l’écart des dispositifs patrimoniaux mis en place par les enseignes traditionnels car leurs services ne sont plus en adéquation avec leurs attentes. Avec une culture financière toujours plus poussée, un accès à de nombreuses communautés virtuelles, un large choix dans les outils disponibles sur le marché, les investisseurs individuels recherchent prioritairement de la diversité dans les produits proposés et sont très sensibles aux frais et commissions proposés. L’arrivée depuis une petite décennie de fintechs et assurtechs aux approches complètement digitales, aux tarifs très concurrentiels et dont la gestion s’appuie de plus en plus sur des robo-advisor, a encore plus éloignés ces investisseurs des grandes enseignes, même si ces sociétés opèrent sur des niches et sont généralement mono-produit ; dans ce cas ils n’hésitent pas à multiplier les souscriptions. Car c’est là que tout se joue : pour les attirer la banque de détail devra leur offrir impérativement au sein du même package les services qu’ils vont chercher ailleurs chez d’autres prestataires financiers, même étrangers. Cela inclut par exemple : les comptes multidevises, la portabilité de certains types de contrats, les tarifs adaptés à l’usage et l’étendue des fonds, des services à l’international, des opérations accessibles sur tous types de terminaux 24h/24h, des conseils en ligne, des robo-advisors.

Les partenariats, une solution pour ne pas se faire distancer dans la course technologique

Dernier facteur clé pour mener à bien cette transformation : la qualité des partenariats. Les institutions bancaires étant peu agiles et longues à se transformer, le partenariat permet aux établissements de proposer rapidement des avancées technologiques bien mieux maîtrisées par les fintechs et assurtechs. Le partenariat permet aux banques de conserver la relation client, en distribuant les produits des Fintechs et Assurtechs. Mais encore faut-il qu’elles veillent à garder un parcours client fluide de bout en bout pour l’ensemble des opérations, ce qui requiert au préalable d’ouvrir leurs systèmes d’information via des API dédiées avec leurs partenaires producteurs. Au-delà des problématiques techniques, le partenariat implique également un changement organisationnel et culturel au sein des établissements. Organisationnel pour ne pas brider les évolutions du partenaire et réussir à les intégrer mais aussi culturel pour insuffler de la flexibilité dans les organisations, positionner le client au centre de toute décision, assurer une montée en compétence des chargés d’affaires, rechercher des synergies…

Les banques de détail sont donc à la croisée des chemins : amenées à mieux développer leur clientèle patrimoniale, il leur faut pour cela revoir leur approche sur ce segment. Proposer une nouvelle expérience bancaire, monter en gamme, moderniser leur SI et s’allier a des fintechs ou spécialistes de la gestion patrimoniale : leur croissance est à ce prix.

ARTICLES SUR LE MÊME THÈME

DATA CHROMATIQUE 12

DATA CHROMATIQUE 12

DATA, CHROMATIQUE HARWELL MANAGEMENTComment faire de la DATA un avantage comparatif ?C’est avec le plus grand plaisir que nous vous livrons ce mois-ci, l’ensemble des réflexions trimestrielles du Lab Data autour de la thématique « Comment faire de la data un avantage...

L’ÉCLAIRAGE HARWELL

L’ÉCLAIRAGE HARWELL

L’ÉCLAIRAGE HARWELL MANAGEMENTOrganisation du travail, veille réglementaire & IALe monde du travail n’a jamais autant subi de changements qu’à l’heure actuelle, tant dans les métiers que dans les aspirations profondes des Français. Nous vivons une véritable...

Nudge

Nudge

Le nudge management Pour aller plus loin dans l’accompagnement au changementLes promesses du Nudge  Le coup de pouce, l’incitation douce, en d’autres termes le Nudge Management, est revenu sur le devant de la scène depuis quelques mois, à la faveur, ou plutôt à cause,...

AMLD6

AMLD6

AMLD6Vers un élargissement des infractions de blanchiment ? La 6e directive de l’Union Européenne contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est entrée en vigueur le 3 décembre 2020 et doit être mise en œuvre par les institutions financières d’ici...