Risque de liquidité & Stress Tests

Risque de liquidité et stress tests, un sujet toujours d’actualité

La crise des Subprimes et ses répercutions sont toujours dans les mémoires. Même si les évènements datent d’il y a déjà huit ans, ce sujet est plus que jamais d’actualité. Pour quelles raisons ? Qu’est ce qui a changé et surtout qu’est ce qui doit encore évoluer ? Vous trouverez ci-dessous quelques éléments de réponses.

Un bref rappel du contexte

La crise financière survenue fin 2007 a profondément changé le monde de la finance et a mis en exergue les lacunes des organismes financiers en matière de suivi du risque de liquidité. Il était alors communément admis que l’accès aux liquidités sur le marché ne serait jamais un problème concret et donc qu’un suivi régulier et rigoureux du risque y afférant n’était pas nécessaire. La faillite de Lehmann-Brother a prouvé le contraire et a démontré l’impact systémique que peut avoir une mauvaise gestion du risque de liquidité.

Les réponses du monde de la finance ont alors été multiples : Bâle III, stress tests imposés par les régulateurs, évolution des méthodologies de pilotage du risque de liquidité, etc…

Bâle 3, de nouvelles mesures en cours de déploiement

En plus de renforcer les exigences des précédents accords de Bâle concernant la gestion des risques et la solvabilité des établissements financiers, les accords de Bâle 3 présentent de nouvelles mesures destinées à encadrer et suivre le risque de liquidité. A cette fin, deux nouveaux ratios ont été définis :

  • Le LCR (« Liquidity Coverage Ratio »), destiné au pilotage court terme, a but de démontrer la stabilité d’un organisme financier face à une crise financière systémique aigue sur un mois. Pour cela, le montant des réserves de liquidité, cash et actifs hautement liquides (aussi appelés HQLA : « High Quality Level Asset »), doit être supérieur au montant des exigibilités et fuites de liquidité sur un mois dans un scénario adverse (stressé).
  • Le NSFR (« Net Stable Funding Ratio »), orienté long terme, a lui pour objectif de garantir la capacité de l’organisme financier à résister à une crise idiosyncratique sur un Pour cela, le montant des ressources disponibles considérées comme stables doit être supérieur au montant des besoins en ressources stables.

L’objectif actuel est le un déploiement progressif de l’ensemble dess mesures de Bâle 3 pour 2019. En ce qui concerne les ratios ci-dessus, le LCR est mis en place depuis le début de l’année 2015, mais avec pour l’instant comme objectif un ratio de 60%, augmenté de 10% tous les ans jusqu’à atteindre la cible de 100% en 2019.

Concernant le NSFR, son déploiement est actuellement prévu pour 2018. Néanmoins, même si une nouvelle version des textes a été produite fin 2014, le consensus autour de ce ratio est loin d’avoir été trouvé. La mise en place du texte actuel pourrait entrainer un fort changement de business model pour les banques. Son application au sein de la communauté européenne n’est pas encore entérinée comme le laissent entendre les déclarations de Jonathan Hill (commissaire à la Stabilité financière, aux Services financiers et à l’Union du marché des capitaux) à ce propos : « nous effectuerons avec l’aide de l’Autorité bancaire européenne un travail préparatoire approfondi. […] Notre décision de poursuivre, si cela est approprié, sera basée sur une évaluation soigneuse des options et de l’impact sur la diversité des modèles d’activités dans le système bancaire européen».

Les banques à l’épreuve des stress tests

Qu’est-ce qu’un stress test ? 

Un stress test, ou test de résistance, est un exercice consistant à simuler des conditions économiques et financières adverses sévères mais plausibles afin d’en étudier les conséquences sur les banques pour mesurer leur capacité de résistance à de telles situations.

La notion de stress tests n’est pas nouvelle dans le milieu bancaire. Les institutions financières ont commencé à les utiliser au début des années 90, en tant qu’outil interne, mais sans focus sur les problématiques de liquidité, que ce soit en termes de scénario ou d’analyse des résultats.

Au-delà de l’application des recommandations bâloises, les banques centrales et les différents régulateurs ont imposé aux banques de se soumettre à des stress tests afin de valider la résistance de ces dernières à de nouveaux chocs, et ce, depuis 2007.

Suite à la crise, de nouveaux types de scénarios de stress ont rapidement été mis en place, avec pour objectif de simuler l’impact d’une nouvelle crise de liquidité (pouvant être systémique, idiosyncratique ou une combinaison des deux) sur les établissements financiers.

Néanmoins, ces tests de résistance imposés par les régulateurs ont été, et sont encore, fréquemment décriés. Ceci est dû notamment à leurs hypothèses jugées par beaucoup comme trop optimistes et donc peu révélatrices d’une véritable crise. En atteste d’ailleurs la faillite des des banques irlandaises survenue peu après avoir passé, avec succès, les stress tests imposés par le régulateur en 2010.

Une explication plausible de ce phénomène, à savoir la difficulté pour les banques centrales et les régulateurs de définir des scénarios de stress suffisamment extrêmes pour être considérés comme pertinents, est qu’à ce jour ces derniers semblent devoir répondre à deux enjeux distincts et quelque peu antinomiques. Il s’agit à la fois d’apaiser les marchés afin de sécuriser les investisseurs, à travers la réussite des banques à l’exercice imposé, mais aussi de détecter les potentielles faiblesses d’une chaîne dont la rupture d’un maillon ferait peser un risque sur l’ensemble du système, via des tests suffisamment extrêmes. L’équilibre semble donc complexe et le modèle associé reste encore à trouver.

De nouveaux stress tests, organisés par l’ABE (Autorité Bancaire Européenne), sont d’ailleurs d’ores et déjà prévus pour le premier trimestre 2016 et concernent entre 50 et 60 banques européennes. La méthodologie associée est actuellement en cours de discussion et sera communiquée avant la fin d’année.

Une réorganisation interne nécessaire

Depuis maintenant plusieurs années, les établissements financiers se lancent dans de nombreuses réorganisations internes, qui même si elles sont peu médiatisées, sont fondamentales.

Les modèles de gestion de risques standards sont peu adaptés au pilotage du risque de liquidité dont les multiples impacts peuvent toucher l’ensemble du bilan d’une banque. Sachant que les indicateurs introduits par Bâle 3 ne permettent pas un suivi fin du risque de liquidité, une nouvelle stratégie doit être mise en place.

Il est devenu clair aujourd’hui qu’un pilotage macro de la liquidité n’est plus adapté. Il est nécessaire de descendre à un niveau de détail très important (activité, produit, etc…) pour être efficient. Sachant qu’aujourd’hui l’enjeu est d’optimiser la gestion de la liquidité, il est maintenant nécessaire de mettre en place un pilotage centralisé, pour répondre à la fois à des problématiques commerciales, (facturation de la liquidité), stratégiques (gestion des besoins de cash de chaque activité) ou encore structurelles (limiter la multiplication des coussins de liquidité au sein des différentes entités).

L’impact est donc non négligeable, car un pilotage centralisé implique la mise en place de process permettant d’agréger, certifier et analyser les données détaillées de l’ensemble des activités d’un établissement donné. A cela vient se rajouter une contrainte de réactivité, à savoir la nécessité d’avoir les informations à une fréquence quasi temps réel (J+1) afin de permettre un pilotage fin et optimisé.

De plus, il est évident qu’un changement organisationnel seul ne répond pas au besoin. De fortes évolutions des systèmes d’information sont nécessaires pour atteindre les objectifs fixés, ce qui, dans un contexte règlementaire encore instable, représente de la difficulté à l’exercice.

Focus sur une méthodologie en développement : analyse bilancielle échéancée couplée à des stress tests internes

Aujourd’hui, de nombreux établissements de la place mettent en place des solutions similaires basées sur une analyse bilancielle échéancée couplée à différentes simulations. Regardons en quoi cette approche peut répondre à la problématique et quels en sont les enjeux à ce jour.

Déterminer les impasses de liquidité : vision bilancielle échéancée

Afin de mesurer l’exposition au risque de liquidité, il est nécessaire de connaitre les impasses de liquidité à venir, à savoir la différence entre actif et passif du bilan sur différents horizons temporels. L’utilisation d’un bilan échéancé répond naturellement à ce besoin.

Sa mise en place revient à résoudre deux problématiques majeures. La première, et la plus simple, est de produire un bilan permettant d’effectuer des analyses détaillées autour de la problématique de liquidité. L’enjeu est de pouvoir ségréguer les postes du bilan en fonction de leur comportement en terme de liquidité tout en conservant un niveau de granularité suffisamment fin pour permettre de réaliser des analyses pertinentes. Il s’agit donc d’avoir une nouvelle vision du bilan de l’établissement, via la mise en place d’une classification spécifique, orientée liquidité, et adaptée au business model de ce dernier.

La deuxième problématique est de pouvoir simuler le comportement probable de l’activité de la banque dans le futur en situation « nominale ». Cela revient à simuler les cash flows à venir (entrants et sortants) en fonction de différentes hypothèses (comportement du hors bilan, roll de deals existants, écoulements, etc..) généralement définies par l’ALM.

Estimer l’impact d’une crise

L’étape suivante consiste à simuler une crise de liquidité en fonction d’un scénario de stress donné et d’estimer les conséquences sur l’établissement.

L’idée de coupler le (ou les) scénario(s) de stress à l’analyse bilancielle a pour objectif de pouvoir analyser les impacts du stress sur l’ensemble des postes du bilan. L’objectif, de cette approche est de permettre une analyse fine (quelles sont les activités en risque, sur quel type de produit, à quel horizon temporel, dans quel scénario de crise financière, etc…) du risque et donc d’améliorer sensiblement son pilotage.

Néanmoins, cette approche nécessite un calibrage fin, souvent spécifique, pour les différents postes du bilan, ce qui implique la gestion d’un volume de données comparable au bilan échéancé lui-même. Le calibrage d’un scénario est d’autant plus compliqué qu’aujourd’hui nous disposons de peu d’historique de crises de liquidité (souvent qualifiées de « black swan », à savoir un évènement rare à fort impact) et donc finalement peu de données de référence.A ce stade, il devient donc possible d’estimer le comportement de l’établissement face à un choc, mais pas de valider sa résilience.

Des scénarios différents de ceux imposés par les régulateurs

Afin d’être les plus précis et efficaces possibles, les scénarios de stress mis en place doivent être adaptés au business model de la banque qui les utilise. Il est donc question ici de définir des scénarios plus « personnalisés » que ceux imposés par les régulateurs ou banques centrales.

Une vision détaillée des actifs transformables de la banque

OrOr, la finalité de l’exercice revient pourtant à estimer la résilience d’un établissement face à une impasse de liquidité.

Pour cela, il est nécessaire de pouvoir estimer la capacité de ce dernier à transformer une partie de son portefeuille d’actifs en cash, via les marchés ou les banques centrales. Un suivi fin des actifs (et notamment de la position titre) est ainsi obligatoire pour le pilotage du risque de liquidité. Ce n’est cependant pas suffisant.

En effet, il ne s’agit pas uniquement de connaitre une position mais surtout de déterminer quels sont les actifs liquéfiables en temps de crise (en fonction de leur type et de leur qualité), pour quel montant et par quel moyen (marché, BCE). Il convient donc de positionner un certain nombre d’hypothèses qui permettront de définir le volume de liquidité potentiellement accessible dans un contexte adverse.

Coupler cette information à l’estimation des impasses de liquidité en situation de choc permet donc bien d’estimer en détail la résilience d’un établissement financier.

Un modèle complexe à mettre en œuvre

Comme nous l’avons vu, la méthodologie utilisée permet de fournir une vision détaillée de la résilience d’un établissement financier face à un choc de liquidité. Cette approche se base sur de nombreuses simulations complexes (cash flows estimés, scénarios de stress, hypothèses de transformation d’actif), qui induisent de facto une incertitude sur le résultat. Ainsi, valider la qualité de calibrage d’un tel modèle est un enjeu majeur pour les établissements l’utilisant. Sachant qu’il faut ajouter à cela la nécessité de le déployer sur l’ensemble des activités des établissements concernés, et non uniquement dans un cadre CIB, il devient évident que la gestion de la liquidité représente plus que jamais un enjeu d’actualité.

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