Séparation Bancaire
Loi française de Séparation Bancaire et Volcker Rule : ce qui se cache derrière la notion de «fonds d’investissement»?
Le contexte
Cet article vise à donner un aperçu de la loi française de séparation bancaire (LFSB) et de la règle Volcker en ce qui concerne le traitement des “fonds d’investissement”. Selon la LFSB une banque ne peut conclure de transactions avec un fonds d’investissement à fort effet de levier (défini ci-après) qui exposerait celle-ci à un risque de crédit ou de contrepartie, sauf si ces opérations sont couvertes par un contrat de collatéral. D’un autre côté, en vertu de la règle Volcker américaine une banque et ses filiales ne peuvent, en tant que principal, directement ou indirectement, acquérir ou conserver toute participation ou parrainer un «covered fund» sauf exception prévue par la loi. Cette même règle interdit également les opérations avec les «covered funds» qui génèrent une exposition au risque de crédit, même quand celles-ci sont garanties par du collatéral.
Vraisemblablement, la loi française de séparation bancaire et la règle Volcker vont transformer de manière significative la façon dont les banques et les institutions financières mènent leurs activités d’investissement dans le monde entier.
Enjeux : empêcher les banques de se livrer à des activités spéculatives via des «fonds d’investissement»
Inspiré par la règle Volcker et partiellement basé sur le Rapport Liikanen de la Commission européenne, la mesure phare de la loi française de séparation bancaire réside dans l’exigence pour les plus grandes banques françaises d’isoler les activités dites spéculatives de leurs activités bancaires de base. Cette loi inclut également des restrictions quant aux opérations conclues avec des fonds d’investissement à fort levier financier ie fonds ayant un effet de levier plus de trois fois supérieur à la valeur nette de son actif ou fonds investissant plus de 40% de ses actifs dans un autre fonds à effet de levier. Une autre caractéristique de la LFSB est l’adoption d’une procédure de résolution bancaire en cas de péril ou de faillite d’une banque ou d’une institution financière. La règle Volcker, partie intégrante, du Dodd-Frank Act interdit aux banques le trading pour compte propre et limite l’investissement dans certains actifs tels que les fonds spéculatifs et les activités de private equity menées par les banques commerciales et leurs filiales. En outre, cette loi a conduit la Réserve Fédérale à imposer des exigences prudentielles renforcées à certaines institutions non bancaires engagées dans ces activités. Ces deux textes encadrant les transactions avec des «fonds d’investissement», sont entrées en vigueur l’été dernier. Mais à ce stade, en particulier pour la règle Volcker, beaucoup d’acteurs bancaires et financiers discutent encore avec les régulateurs américains pour comprendre certaines dispositions de la loi.
Problématiques : des réglementations complexes à mettre en œuvre avec différentes interprétations possibles et beaucoup d’exceptions
La loi française de séparation bancaire ne fournit pas une liste précise de transactions qui seraient admissibles. Cependant, les opérations suivantes, lorsqu’elles génèrent un risque de crédit ou de contrepartie sans contrat de collatéral, sont généralement considérés dans le champ de celle-ci : les prêts ou toute autre forme de facilité de crédit, les transactions sur produits dérivés et les prêts de titres. Ces activités ne sont pas interdites, mais requièrent la conclusion d’un contrat de garantie de type CSA (Credit Support Annex).
Qu’en est-il des investissements des institutions financières dans des «fonds d’investissement» sous la LFSB? Le traitement des placements dans un fonds d’investissement à fort levier financier sous la LFSB devrait entrer dans l’une des exemptions de la liste suivante telles que :
- Les investissements réalisés par les filiales d’assurance ou de réassurance
- Les opérations de crédit ou de découvert en attente d’exécution d’un ensemble de transactions ou en relation avec un service de compensation
- La couverture des “services d’investissement” fournis aux clients ou les activités de tenue de marché
- L’argent investi pas plus d’un an au titre de « seed money » dans le fonds, renouvelable deux fois sur autorisation du régulateur français “Autorité de Contrôle Prudentiel et de résolution” (ACPR) et la « part fondateur » qui représente moins de 10.000 euros
- Les anciennes participations dans des fonds spécifiques s’ils sont en voie d’extinction.
En ce qui concerne la règle Volcker la première question à résoudre est : qu’est-ce qu’un «covered fund”? Contrairement à un fonds traditionnel, le type d’actifs entrant dans le cadre du champ d’application de ce règlement est très large, tels que : les fonds spéculatifs, les fonds de private equity, les titres spécifiques adossés à des actifs, les obligations sécurisées, les CDO et autres types de véhicules de placement collectif. La définition d’un «covered fund» est trompeuse et de plus les exclusions et exemptions sont nombreuses. Il est donc important de comprendre la signification de ces dernières ainsi que leurs exigences.
Zoom: règle Volcker – beaucoup de questions à résoudre et une liste d’exemptions à prendre en compte
Comment définir une prise de participation dans un « covered fund » ?
La propriété classique, tels que l’acquisition de parts ou la prise d’intérêts sont concernés. La propriété s’entend également à travers les droits à recevoir des bénéfices ou des revenus, la gestion ou le contrôle du fonds (via la nomination ou la suppression d’un poste d’associé ou de conseiller en investissement). La prise de positions synthétiques acheteuses dans un fonds est également considérée comme de la prise de participation.
Ce qui n’est pas considéré comme étant une prise de participation dans un « covered fund » ?
Les instruments de créance simples comme par exemple la plupart des instruments de dettes obligataires ainsi que les positions détenues en tant qu’acheteur de pension livrée en vertu d’un accord de « repurchase agreement » standard sont hors scope.
Qu’est-ce que le parrainage d’un « covered fund » ?
Avoir un rôle d’associé, être membre de la direction, ou le promoteur d’un « covered fund » est considéré comme du parrainage. Contrôler un tel fonds en sélectionnant ou en ayant une majorité au sein de son comité de direction, ou encore partagé le même nom que celui d’un « covered fund » s’apparente également à du parrainage.
Ce qui n’est pas considéré comme relevant du parrainage d’un « covered fund » ?
Agir en tant que dépositaire sans un pouvoir discrétionnaire d’investissement; être administrateur, agent de placement, ou distributeur d’un « covered fund »; endossé le rôle d’un conseiller en investissement (y compris de sous-conseiller) et agir en tant que courtier d’un « covered fund » n’est pas assimilé à du parrainage.
Quels types d’actifs sont exclus de la règle Volcker ?
Les actifs suivants parmi d’autres sont tous exclus de la définition d’un « covered fund » : les fonds étrangers faisant appel à l’épargne publique (par exemple, de nombreux OPCVM); la plupart des fonds dédiés non commercialisés à des investisseurs américains (“fonds privés étrangers”); les SPV qui détiennent un ensemble d’actifs en guise de collatéral d’émissions d’obligations couvertes; les sociétés de gestion régulées (représentant par exemple des fonds communs de placement ou des ETF). Enfin sont également hors scope, les joint-ventures et véhicules d’acquisition; les fonds de pension et fonds de retraite et certaines titrisations.
Quels types d’activités sont exemptés de la règle Volcker ?
Parmi les entreprises exemptées, vous trouverez entre autres : les compagnies d’assurance, les sociétés fiduciaires, les dépositaires, les administrateurs de fonds, les courtiers, les activités de prêts de titres, les acteurs de type conseiller en investissement ou sous-conseiller délégué, …
En outre, “l’exemption Asset Management” permet aux banques ou institutions financières d’acquérir ou de conserver une participation ou de parrainer un « covered fund ». Mais certaines restrictions existent :
- ni la banque ni ses sociétés affiliées ne garantissent la performance d’un tel fonds;
- le « covered fund » ne partage pas le même nom que la banque ou ses filiales;
- il existe des document écrits décrivant la façon dont la banque ou ses filiales fournissent des services de conseil en investissement ou assimilés à ses clients;
- la banque détient jusqu’à un maximum de 3% par fonds (déduction faîte du seed money);
- la banque déduit la juste valeur de sa participation dans le « covered fund » de sa limite Tier 1 à hauteur de 3% maximum;
- la banque informe clairement et par écrit les investisseurs actuels et potentiels.
Par exemple, les « covered funds » d’un Asset Manager européen vendus aux États-Unis devront se conformer aux exigences précédentes.
Par ailleurs, les activités menées dans le cadre de l’exemption SOTUS (Solely Ouside of The US) permettent à des banques étrangères (Foreign Banking Organizations – FBO) de parrainer et/ou d’avoir des intérêts propres dans des « covered fund » aussi longtemps que ces activités de financement sont effectuées en dehors des États-Unis et que la participation est détenue à l’extérieur du pays. Cependant un actif, a priori hors scope de la règle, détenu a plus de 25% rentrera dans le cadre de la règle Volcker ! Ainsi, si un FBO acquiert 25% ou plus des droits de vote dans une entité, ou contrôle cette dernière via son management, cela conduira cette entité à être considérée comme une filiale du FBO et à être reconnue comme une « entité bancaire » et donc à se conformer à la règlementation. Cette question de « banking entity” est encore discutée avec les autorités américaines et son interprétation ne semble pas résolue à ce jour.
Conclusion
Face à la complexité considérable de ces règlements relatifs aux «fonds d’investissement», comment les banques et institutions financières peuvent-elles se mettre en conformité ? Tout particulièrement au regard la règle Volcker, parce que la définition d’un « covered fund » est si vaste, nos recommandations seront d’une part de concevoir un processus de filtrage par étape et d’autre part de développer des outils pour vous aider à déterminer si vous pouvez acheter, vendre ou parrainer des actifs potentiellement assimilables.
Différentes actions peuvent permettre d’analyser les classes d’actifs et de contrôler les transactions interdites. Tout d’abord, établir une liste des actifs non affectés, tels que les actions et les obligations émises par des entreprises (et non par un SPV de l’entreprise), les dérivés listés, les matières premières, le forex, les instruments de taux, … Deuxièmement, déterminer une liste des activités exonérées et cartographier les fonds internes afin de vérifier leur éligibilité aux règles. Enfin souscrire ou développer des bases de données sur les « fonds d’investissement » alimentées via des sources externes serait également pertinent.
Une précaution maximale sera nécessaire pour mettre en œuvre ces « moteurs de règles » et des échanges étroits avec les régulateurs permettront de lever les ambiguïtés restantes…
