Chromatique
Bilan 2009-2014 : un système bancaire européen fiable et sécurisé
Le travail des législateurs européens dans le domaine bancaire et financier aura été marqué sous la législature 2009-2014 par son importance sans précédent avec 20 textes adoptés entre début 2010 et 2014. Les réformes déjà adoptées ont changé profondément le paysage bancaire et le modèle de financement européen. Cet effort réglementaire sans précédent va se poursuivre pendant plusieurs années encore ; certains projets sont en cours de discussion et feront l’objet d’une transposition en droit européen ultérieurement.
A l’évidence, le système bancaire européen est l’un des plus sûrs du monde :
- Grâce à l’Union bancaire, qui crée un superviseur unique des banques de la zone euro, transnational et indépendant et un mécanisme de résolution des crises unique avec un fonds de résolution ex-ante de 55 milliards d’euros. L’exercice d’évaluation de la qualité des actifs mené par la BCE couplé à des tests de résistance va permettre de renforcer la solidité des banques de la zone euro.
- En mettant en œuvre les décisions prises au niveau du G20 suite à la crise de 2007- 2008 :
Renforcement des obligations en fonds propres et en liquidité, adoption du règlement EMIR qui organise un marché plus solide et plus transparent pour les produits dérivés ; adoption du texte de prévention des crises bancaires qui coupe le lien entre crises bancaires et crises souveraines et protège totalement les déposants. - En renforçant la protection des investisseurs, grâce à la mise en œuvre du paquet Marchés d’Instruments Financiers (MIF 2) et l’adoption d’un règlement sur l’information pour les produits d’investissement de détail
- En harmonisant les règles régissant la banque de détail : directive crédit immobilier, directive sur les comptes de paiement. Le système bancaire européen et sa réglementation sont aujourd’hui considérablement renforcés. La banque post-crise n’est plus celle de l’avant-crise.
L’effet de ces réformes se fait sentir sur le paysage bancaire et le modèle de financement européen :
- Entre le début de la crise en 2008 et 2014, les fonds propres des banques de la zone euro ont été renforcés de 36%, passant de 1753 milliards d’euros à 2392 milliards d’euros. Ce mouvement est largement dû à une action anticipée de nombreuses banques pour se conformer au ratio prévu par la CRR IV. Il va d’ailleurs se poursuivre puisque les ratios de fonds propres sont à respecter d’ici 2019 et sous l’effet également de l’évaluation de la qualité des actifs.
- De même, pour se conformer à la mise en œuvre du ratio de liquidité de court terme dit LCR, les banques européennes ont commencé à adapter le profil de leur refinancement en augmentant sensiblement leurs dépôts de 26% (ils sont passés entre 2008 et 2014 de 6444 milliards d’euros à 8133 milliards d’euros dans la zone euro), avec un équilibre entre crédits et dépôts qui a baissé pour atteindre 114%. En parallèle, les encours d’émission d’obligations par les banques ont baissé passant de 4873 milliards d’euros en 2008 à 4412 milliards d’euros en 2014, soit une baisse de 9%. Ce mouvement d’adaptation du profil de refinancement va sûrement se poursuivre puisque les banques européennes ont jusqu’au 1er janvier 2018 pour se conformer au ratio LCR, qui incite à un équilibre entre crédits et dépôts. Selon le calibrage du ratio LCR qui sera finalement retenu, cette adaptation risque de peser sur les volumes de crédit accordés et sur le coût de financement des entreprises et des ménages.
- La hausse du coût de refinancement des banques a commencé et va s’amplifier sous l’effet de la mise en œuvre de la directive sur la résolution des crises bancaires : l’écart de crédit (différence du taux d’une obligation émise par une banque et le taux d’emprunt de l’Etat) est désormais de 0.7% dans la zone euro (par rapport à 0.1% avant la crise de 2008). Cette hausse reflète les pertes des banques réalisées sur les actifs qu’elles détenaient et la hausse des créances douteuses. La mise en œuvre au 1er janvier 2016 des règles de renflouement interne va renforcer ce phénomène.
- L’éventuelle adoption du projet de règlement sur la structure des banques renchérirait également le refinancement des entités séparées des grandes banques mais aussi le refinancement de l’entité principale collectrice des dépôts (car le risque de bilan se concentrera sur les capitaux propres et la dette obligataire, les dépôts étant privilégiés sur le plan du renflouement interne).
- L’ensemble de ces réformes prudentielles pousse à un changement du modèle de financement des entreprises européennes, qui devra être moins intermède. En France, ces crédits bancaires représentent, en 2013, 63% de l’endettement des entreprises (contre 73% en 2008). Ce mouvement devra cependant être progressif et aussi s’adapter à une hausse de la demande de crédit liée à une reprise économique plus forte.
- Ces transformations ont eu pour conséquence une baisse significative du retour sur investissement des banques (ROE) bien loin des niveaux d’avant crise. Les banques se sont désormais fixé des objectifs de 10 %.